Intervention de Sylvie Chalaye : Saartjie Baartman, et ses déclinaisons au théâtre, au cinéma, et dans la performance

CEAC Séminaire
Amphi A2

Intervention de Sylvie Chalaye dans le cadre du séminaire de laboratoire organisé par Ariane Martinez : Saartjie Baartman, et ses déclinaisons au théâtre, au cinéma, et dans la performance.

SE SOUVENIR DE SAARTJIE BAARTMAN,

mémoires artistiques, questions juridiques

« La Vénus noire, une figure de l’éroticolonie à dé-jouer », Conférence de Sylvie Chalaye

Une jeune servante africaine du Cap, au postérieur spectaculaire, Saartjie Baartman, se retrouva en 1810 à Picadilly dans une fausse exhibition anthropologique à jouer les « Vénus hottentotes » pour divertir les Londoniens et flatter leur concupiscence. Elle finit dans les salons de la Rue Saint-Honoré à Paris avant d’être finalement récupérée par la science et, après sa mort, moulée, disséquée et mise en bocaux par Georges Cuvier au Musée National d’Histoire Naturelle. Elle est devenue au tournant du second millénaire, au moment où ses restes ont enfin été rendus à l’Afrique du Sud, une figure emblématique de l’éroticolonie, autrement dit de ce territoire fantasmatique qui participe du geste colonial et consiste à enfermer l’autre dans le corps que l’on a décidé pour lui et à l’assigner à une sexualité sauvage. Les moralisateurs qui voulaient défendre Saartjie Baartman et la soustraire à ses exploiteurs ne voyaient pas en elle une femme qui jouait la comédie, mais une sauvage réduite en esclavage à renvoyer dans sa jungle. Nous verrons comment le fantôme de la Vénus noire hante encore le monde du spectacle de Joséphine Baker à Grâce Jones et que cette assignation éroticoloniale, les artistes afrodescendantes continuent de la subir, mais entreprennent aussi aujourd’hui de la dé-jouer  grâce à des spectacles, souvent performatifs, comme récemment Carte noire nommée désir de Rébecca Chaillon. Et nous pourrons revenir sur quelques autres performeuses dont le geste artistique déséroticolonial a marqué la dernière décennie.

Sylvie Chalaye

Historienne du théâtre et anthropologue des représentations de l’Afrique et du monde noire dans les arts du spectacle, Sylvie Chalaye est aussi spécialiste des dramaturgies afro-contemporaines et s’intéresse aux esthétiques jazz, de la comédie musicale hollywoodienne aux expressions scéniques issues du hip-hop. Elle enseigne à la Sorbonne Nouvelle où elle co-dirige l’Institut de Recherche en Études Théâtrales et a créé en 2007 le laboratoire « Scènes francophones et écritures de l’altérité » (SeFeA) dont le programme est consacré aux dramaturgies traversées par l’histoire coloniale et interroge les esthétiques de l’altérité.

Elle a signé avec Pascal Blanchard La France noire (La Découverte, 2011) et participé à Exhibitions, l’invention du sauvage  chez Actes Sud, puis au volume Sexe, race et colonies : la domination des corps du XVe siècle à nos jours (La Découverte, 2018).  Elle a dirigé le volume Cultures noires : la scène et les images (Africultures, 2013), ainsi que Scènes et détours d’Afrique. Les aventures de la coopération théâtrale de Jean-Marie Serreau à Christian Schiaretti (Passage(s), 2022). Elle est également co-directrice scientifique de Sexualité, identité et corps colonisés (CNRS, 2019) et co-dirige la collection d’essais « Esthétiques jazz : la scène et les images » chez Passage(s). Son dernier ouvrage, Race et théâtre. Un impensé politique, paru chez Actes Sud en 2020 a remporté le prix André Malraux.

La conférence de Sylvie Chalaye sera précédée d’une introduction par Nathalie Delbard sur les questions juridiques et artistiques posées par les restes humains dans les musées.

Cet évènement est organisé par Ariane Martinez dans le cadre du séminaire de laboratoire : « Phénomènes / Freaks : une histoire artistique et sociale ».


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