Séminaire Changements de paradigmes
Séminaire doctoral conçu et organisé par Céline Barrère, Alexandre Chèvremont et Catherine Grout.
Séance 6 : Espaces, lieux et paysages. Questionner les inscriptions des vécus, des usages, des attachements et leurs spatialités
L’espace serait moins un cadre qu’une dimension de la vie. Nous posons qu’un changement de paradigme concerne l’espace et le paysage en termes de définition, méthodes de recherche, considération des éléments étudiés et de leur inscription dans une actualité tendue et parfois déroutante. Celle-ci nécessiterait, par exemple, un renouvellement des relations sujet / objet passant par l’expérience de l’espace, de la spatialité et de l’espace partagé avec d’autres êtres humains comme avec d’autres sujets vivants. Nous souhaitons interroger à partir de vos pratiques et objets de recherche ce qu’un changement de paradigme autour de l’espace, de la spatialité et du paysage peut vouloir dire, permettre de traiter, de réfléchir et de prendre en compte.
Programme de la journée
9h30 Nicolas Canova (LACTH, ENSAP Lille)
Les changements de paradigmes en géographie illustrés par les études de la musique
10h15 Alexandre Chèvremont (CEAC, U. Lille)
Son et profondeur – quelques remarques sur l’espace acoustique
11h Véronique Perruchon (CEAC, U. Lille) et Daniel Van de Velde
Changer la nature de l’arbre
14h Philippe Guisgand (CEAC, U. Lille)
La spatialité du rapport à l’œuvre chorégraphique
15h Judith Hayem (CLERSE, U. Lille)
12-18 Août 2024. Une semaine de commémoration dans la mine de Marikana (Afrique du Sud) : appréhensions, évolutions et sens des transformations paysagères et spatiales
15h45 Monique Toublanc (LAREP, ENSP)
Quand l’action publique atterrit sur un territoire. Quelles interactions mutuelles se tissent entre les deux ?
- date et lieu : 28 novembre 2024
De 9h30 à 17h
ENSAPL
Ecole nationale supérieure d'architecture et de paysage de Lille
Séance 5, le vendredi 8 novembre 2024
La recherche en SHS au prisme des changements de paradigmes : savoirs situés, approches relationnelles, effets disciplinaires
Catherine Grout et Céline Barrère (LACTH), École Nationale Supérieure d’Architecture et du Paysage de Lille; Alexandre Chèvremont (CEAC), Université de Lille
Argument général
Les changements de paradigmes qui travaillent les SHS et les obligent à questionner leurs outils, leurs méthodes et leurs objets traduisent les défis et les transitions (politiques, culturels, climatiques, politiques) auxquels doivent faire face les sociétés contemporaines. En cela, ils nous permettent d’interroger la production et la circulation des savoirs et des catégories, les modes de cohabitation et d’adaptation, les répertoires d’action des individus et des groupes, le poids des expériences et la construction des imaginaires. Investir les changements de paradigmes en sociologie, en anthropologie, en philosophie, en esthétique, en histoire, en géographie, en architecture ou encore en paysage permet d’affirmer la dimension politique de la recherche en SHS.
À ce titre, le séminaire proposé s’inscrit dans les thématiques et les orientations scientifiques du Hub 4 « Cultures, Sociétés, Pratiques en Mutation » de l’Université de Lille.
Séance 5, le vendredi 8 novembre 2024
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et du Paysage de Lille, salle Jean Challet, Villeneuve d’Ascq, métro Hôtel de Ville
Organisation : Anne Boissière, CEAC, Professeure émérite de l’Université de Lille, philosophie de l’art et esthétique
Naissances : du care à la création artistique »
Argument de la séance 5
La naissance, certes, est une notion métaphorique renvoyant au « commencement » et à l’ « apparition » voire à la « natalité ». Le champ philosophique apporte sur ces sujets un questionnement nécessaire, au demeurant multiple. Toutefois, c’est souvent au détriment de la part sensible, corporelle et psychique, voire transgénérationnelle de la maternité et de l’enfantement, dans lesquelles les femmes sont engagées. En proposant d’interroger la naissance sous l’angle d’un changement de paradigme, l’objectif est au contraire d’intégrer ce versant et de l’aborder sous un angle transdisciplinaire autant qu’artistique. Comment la notion de « création », en retour, s’en trouve-t-elle déplacée et autrement problématisée ?
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MATIN
Anne Boissière et Séverine Bridoux-Michel
Séverine Bridoux-Michel est architecte, chargée de cours à l’École Supérieure d’architecture et du paysage de Lille, LACTH
Germe » : pour commencer ensemble
ue signifie « changer de paradigme »? Pas seulement théoriser sur le changement, dans un positionnement d’énonciation, de prise de parole et de réception en réalité inchangé, mais inventer des dispositions susceptibles d’interroger en retour les présupposés de ce positionnement. Sans anticiper la richesse du déroulement de la journée, nous souhaitons proposer un commencement qui permettrait avant tout d’entrer en relation et d’aider la pluralité à s’exprimer, dans l’éveil de l’écoute.
La question de la naissance se pose à nous en tant que femme, dans notre corps disposé pour procréer, accoucher, donner naissance (ce qui n’équivaut pas au désir d’enfanter); elle se pose dans le rapport à l’art, à travers la notion si décisive de la création : son déploiement théorico-philosophique n’a pas manqué, en effet, d’exclure le phénomène de la maternité et de la naissance, en faisant valoir un modèle normé par le masculin (et déjà dans le modèle judéo-chrétien de la création, si puissant dans la représentation occidentale de la création artistique). Enfin, la question se pose dans le rapport à la pensée, du point de vue des contenus comme de la forme : où et comment la naissance a-t-elle été thématisée? En quoi la prise en compte de la naissance transforme-t-elle le geste théorique, dans sa forme? Car cela veut déjà dire accueillir l’informe, le non-achevé, le fragile, le démuni, mais aussi le vivant, le cri, la régénération, le neuf, autant de micro-gestes qui restent à conquérir.
Pour commencer ensemble : nous avons choisi d’engager la geste de la création, à travers une expérience sensible et spatiale du sens, et en partant de quelques moments du texte de Maria Zambrano : « Germe », extrait de son livre De l’Aurore.
Bibliographie
-Boissière Anne, Le mouvement à l’œuvre, entre jeu et art, Sesto San Giovanni, Mimésis, 2018
-Bridoux-Michel Séverine, « L’effrangement adornien : quelles interactions, quelles possibilités de transferts dans le travail de l’architecte ? », dans Les Cahiers Thématiques n°21 Théorie critique et pensée critique au prisme de l’architecture [dir. Aleksey Sevasyanov & Franck Vermandel], Paris, Editions de la MSH/Villeneuve d’Ascq, Editions de l’ENSAPL, 2022, p.53-65
-Goudinoux Véronique et Bridoux-Michel Séverine [sous la direction de], Œuvrer à plusieurs : enjeux d’aujourd’hui, revue Déméter Théorie & pratiques artistiques contemporaines, n°2, 2019
-Zambrano Maria, De l’Aurore, L’éclat poche, traduit de l’espagnol par Marie Laffranque, 2015
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Camille Lacau Saint Guily
Maîtresse de Conférences, Institut d’Études Hispaniques de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université
Naissance et agonie chez María Zambrano
La naissance a constitué une expérience inaugurale désastreuse chez María Zambrano, induisant des psycho-traumatismes multiples, dont l'oeuvre philosophico-poétique porte les stigmates, une œuvre dans laquelle la philosophe a rejoué et répété constamment cette expérience initiale, en la métabolisant, cherchant à vivre par elle une deuxième naissance, qu'elle attendit toute sa vie.
Bibliographie
Zambrano María
-Sentiers, traduit de l’espagnol par Nelly Lhermillier, Paris, Des femmes. Antoinette Fouque, 1992.
-Délire et Destin. Les vingt ans d’une Espagnole, traduit de l’espagnol par Nelly Lhermillier, Paris, Des femmes. Antoinette Fouque, 1997.
-L’Homme et le Divin, traduit de l’espagnol par Jacques Ancet, Paris, José Corti, 2006.
-L’Inspiration Continue. Essai pour les perplexes, traduit de l’espagnol par Jean Marc Sourdillon avec la collaboration de Jean-Maurice Teurlay, préface de Jean Marc Sourdillon, Grenoble, Éditions Jérôme Million, 2006.
-De l’Aurore, L’éclat poche, traduit de l’espagnol par Marie Laffranque, 2015.
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Ariane Martinez, Professeure en arts de la scène à l’université de Lille et membre du Laboratoire CEAC, performeuse occasionnelle au Générateur (Gentilly) dans les soirées collectives nommées Show your frasq, depuis 2018.
Lectures croisées de Conception d’Ariane Zarmanti (2014) et des Argonautes de Maggie Nelson (2015), essais autobiofictionnels sur les parentalités alternatives.
La lecture, tout comme la naissance, est une expérience, plus qu’une connaissance. Ma proposition pour ce séminaire ne consiste pas en une communication académique, mais en une expérience partagée de lecture performée. Les deux romans autobiofictionnels, Conception d’Ariane Zarmanti (2014) et Les Argonautes de Maggie Nelson (2015) n’ont pas seulement en commun leurs dates de parution très rapprochées. Tous deux sont à la fois des récits sensibles de maternités et des essais qui véhiculent des utopies familiales alternatives. Je vous propose d’en parcourir les pages avec moi, comme on le fait avec le rituel du livre lu aux enfants chaque soir au coucher, en pointant, de temps à autre, un détail, un dessin, une parole. Bien entendu, dans cette proposition, je ne serai pas le parent, pas plus que vous ne serez les enfants. Nous serons tour à tour parents et enfants des mots des autres et de nos propres pensées, pour que s’engage un changement de paradigme dans nos façons d’envisager la naissance (de nos aspirations intimes et collectives), et le mater-paternage sans paternalisme.
Bibliographie :
Desplechin Marie, « Maya », in Darrieussecq Marie, Villovitch Héléna, Desarthe Agnès, Desplechin Marie, Brisac Geneviève, Cusset Catherine, Fitoussi Michèle, Naissances, Paris, L’iconoclaste, 2005.
Froidevaux-Metterie Camille, Un si gros ventre : expérience vécue du corps enceint, Paris, Stock, 2023.
Frydman René, Lettre à une mère, Paris, L’iconoclaste, 2010.
Nelson Maggie, Les Argonautes, [Graywolf Press, 2015] traduit de l’anglais par Jean-Michel Théroux, Paris, Seuil, 2018.
Zarmanti Ariane, Conception, Montreuil, Omniscience, 2014.
Moment de discussion générale
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APRÈS-MIDI
Joël Clerget
Psychanalyste, praticien en haptonomie pré et postnatale, écrivant, Lyon
Naître, à nouveau
« La vision du peintre est une naissance continuée. »
Maurice Merleau-Ponty
Donner à entendre, vivre et sentir une version poïétique de la naissance. Prendre soin de la natalité conjugue l’art et la science en leur perpétuel mouvement régénérant. Toute naissance s’accompagne d’une conception préalable, que ce soit dans le corps-demeure d’une femme ou dans l’élaboration d’un corpus philosophique ou artistique. L’enjeu concerne la parution d’un sujet sur le fil de la génération et de la filiation, fruit d’une fécondité. Les pratiques de la psychanalyse, de l’haptonomie pré-postnatale et des prescriptions culturelles® illustreront notre propos.
Bibliographie
-Clerget Joël. Naissance et séparation, Les dossiers de Spirale, Toulouse, érès, 2002.
-Clerget Joël. Corps, image et contact. Une présence à l’intime, Toulouse, éditons érès, octobre 2014.
-Clerget Joël. Devenir soi avec d’autres. Éco-psychanalyse des interactions sociales, Toulouse, éditions érès, septembre 2023.
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Frédérique Bisiaux
agrégée et docteure en philosophie. Professeure en classes préparatoires au lycée Faidherbe de Lille
Le génie du soin
La séparation du corps maternel implique la fragilité, ce qui naît étant d’autant plus exposé à l’imminence de la mort que sa vie est essentiellement communautaire. Dans l’adulte, la fragilité constitue un appel, d’où émerge le sentiment de responsabilité. La responsabilité stimule à son tour l’exercice d’une pratique concrète du soin, à l’origine du caractère expansif de la vie corporo-psychique du nouveau-né. Une pratique concrète de soin est constituée par l’ensemble des actions prosaïques du soin adapté à la vie : nourrir, laver, porter, bercer, protéger.
Chaque jour, il faut donc recommencer ces mille gestes invisibles de soin nécessaires à la vie de ce qui naît. Les femmes qui sont les dépositaires de ce savoir archaïque le savent bien, soigner suppose d’être chaque jour à la tâche, pareil à l’ artisan qui répète inlassablement la même routine corporelle qui lui permet de produire efficacement des artefacts « bien faits ». C’est d’ailleurs depuis l’apparente banalité de sa pratique quotidienne qu’émergent chez l’artisan compétent ces coups de « génie » d’où naissent simultanément une façon singulière et une norme pratique pour la production.
L’analogie du soin et de l’artisanat signifie à mes yeux la chose suivante : l’apparente simplicité de gestes prosaïques, à première vue dénués de génie, est en réalité grosse de création. Comme il existe un « génie » du bon artisan, il existe un génie du soin adapté. Et si le coup de génie du soin physique résidait avant toute chose dans son pouvoir de stimuler la création d’une autre réalité que corporelle, psychique, imageante, fictionnelle, de la pensée, un espace mental singulier, dont la création mobilise simultanément l’inventivité d’homo faber, la religiosité d’homo religiosus et l’imagophilie de l’artiste ?
Bibliographie
-Anzieu Dider, Le moi penser, Du moi peau au moi pensant, Dunod, Paris, 2013
-Bisiaux Frédérique, Naître ou ne pas naître…Essai sur la naissance, Paris, L’Harmattan, 2023
-Bisiaux Frédérique, Le soin maternel, Paris, PUF, coll. « Prendre soin », 2013
-Didi-Huberman Georges, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, Les Editions de minuit,Paris,1992.
-Winnicott D.W., De la pédiatrie à la psychanalyse, Payot, Paris, 1969
-Winnicott D.W., Jeu et réalité, Paris,Gallimard,1971
-Worms Frédéric, Le moment du soin, PUF, Paris, 2010
-Worms Frédéric, Soin et politique, PUF, Paris, 2012
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Clarisse Picard
Professeure de philosophie, Facultés Loyola Paris (anciennement Centre Sèvres-Facultés jésuites de Paris)
L’enfantement : paradigme de la création artistique ?
Dans nos précédents travaux nous montrons en quoi l’enfantement prend, pour une femme singulière, le sens d’un mouvement originaire du naître à soi-même en donnant naissance à son enfant. Plus généralement, nous affirmons que ce mouvement originaire et universel du naître à soi-même en donnant naissance, dont l’enfantement est l’expérience paradigmatique, s’éprouve aussi dans sa médiateté dans toute expérience de subjectivation sociale, culturelle et politique. À la faveur de cette journée d’études, nous thématiserons plus avant les correspondances entre enfantement et création artistique afin d’en faire apparaître la pertinence, les enjeux, mais aussi les limites.
Bibliographie :
-Brun Anne Brun, Aux origines du processus créateur, Toulouse, Érès, 2018.
-Cammaréri Corinne, Amour maternel ou sublimation des femmes. Des écrivains interrogent altérité, maternité et création, Toulouse, Érès, 2012
-Dastur Françoise, À la naissance des choses, art, poésie et philosophie, Fougères, Encre marine, 2005
-Picard Clarisse, Philosophie de l'enfantement. Cinq méditations, Paris, Classiques Garnier, coll. « Philosophies contemporaines », n°24, 2022.
-Picard Clarisse, « L'enfantement : âge de la vie ou mouvement originaire ? », dans « Les âges de la vie », Revue de phénoménologie ALTER, à paraître en novembre 2024.
Moment de discussion générale pour clore la journée
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Séance 4 du 3 octobre – Soin, care et altérité. Questionner les modes de cohabitation
Ecole nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille / 2 rue Verte 59650 Villeneuve d’Ascq
Métro : Villeneuve d’Ascq - Hôtel de ville Salle des chercheurs (2ème étage)
Nous souhaitons aborder comment le soin et le prendre soin peuvent être un élément de questionnement de l’altérité et de son expérience et mettent en lumière les régimes de relations. L’altérité est ouverte à tout sujet vivant, humain et non humain, ainsi qu’aux autres qu’humains. Cela implique une considération des attentions, des interdépendances, de la multiplicité des voix et des modes de communication (verbale et pré-verbale), des modalités de co-présence et de déplacement des positions de recherche. Le changement de paradigme concerne conjointement les « objets » de recherche (devenant des sujets ou des choses de recherche), les méthodes ainsi que les modes d’être et de se penser en tant que chercheur·e.
9h | Accueil |
9h30 | Céline Barrère & Catherine Grout Autour des séances précédentes et d’une mise en horizon des trois séances de l’automne |
9h45 | Alexandre Chèvremont "Du paradigme scientifique au paradigme artistique : éléments d'une critique de la critique conservatrice"
Dans Ohne Leitbild, Adorno dénonce la notion de paradigme comme étant liée à une critique de la culture conservatrice qui cherche à ordonnancer le monde en dépit de son chaos et de la vocation de l’art à refléter la négativité du réel. On essaiera ici de suivre cette intuition à travers le travail fondateur de Thomas Kuhn et de la reprise de la notion de paradigme dans Le Paradigme de l’art contemporain de Nathalie Heinich.
Bibliographie :
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10h | Aurélie Javelle ethnologue, ingénieure de recherche, UMR SENS, Sup-agro à Montpellier
« Donner voix/voie aux plantness en systèmes maraîchers » En agriculture, le care peut être multiforme puisqu’il peut tout autant justifier de pratiques productivistes comme de pratiques respectueuses des agentivités non humaines. Nous explorerons cette diversité de formes de soin, et nous nous intéresserons plus particulièrement au care comme « éthique de l’attention ». Nous lirons les résultats de terrains ethnologiques en analysant les formes d’attention envers les plantes : quelles sont les attentions développées envers les plantes ? Comment se développent-elles ? Évoluent-elles ? Sont-elles liées à la place laissée aux non-humains sur l’exploitation ? Leur accorder une place induit-il pour autant de la part du maraîcher une disposition à entendre et à écouter leurs manières d’être plantes ?
Bibliographie
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10h45 | Marc Breviglieri Professeur associé à la Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale, chercheur au CRESSON, laboratoire Ambiances, Architectures et Urbanités
« La fragile ténacité de la vie. Une enquête sur la relation au végétal en milieu oasien » (proposition de titre)
Cette communication partira d’une ethnographie effectuée dans une oasis située au sud du Maroc. En accompagnant une femme âgée qui effectue des collectes d’herbes « sauvages » la question du soin s’est imposée en des variantes remarquables. Cette femme nous a mise à l’écoute des mythes fondateurs du lieu et nous a amené à déchiffrer une complexe grammaire du soin adressée à un fourmillement d’entités : d’invincibles plantes épineuses comme des fleurs éphémères, des insectes entreprenants et des esprits capricieux, tout ce qui, finalement, touche à la vie oasienne dans sa fragile ténacité. Nous évoquerons tant l’effort de décentration qui nous a été nécessaire pour appréhender cette réalité, où les humains sont si peu présents à première vue, que le travail composite de restitution d’une telle enquête, passant par l’écriture, mais aussi le film, le son et la performance dansée.
Quelques repères bibliographiques :
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11h30 | discussion |
déjeuner |
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14h | Camille de Toledo Essayiste, romancier, plasticien, enseignant à l’ENSAV (La Cambre)
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14h45 | Arnaud Théval Artiste, plasticien et écrivain, enseignant chercheur à l’Ensa de Strasbourg
« L’animal dans le fossé. Ou une altérité renouvelée »
L'attrait pour l'animal tapi dans le fossé remonte depuis les souterrains de ma mémoire. Longtemps, nous nous sommes promenés avec mes parents sur les chemins d’une petite campagne à la limite de la ville. À mesure que je grandissais, ces mêmes chemins devenus familiers me paraissaient ennuyeux. Pour autant quelque chose agitait en moi une insatiable curiosité. À chaque balade, mon attention était attirée vers le bas-côté du chemin, par des bruissements étranges ou des craquements soudains. Mon corps tout entier était alors mobilisé dans une attitude d'observation. Mes yeux scrutaient les fourrés, attentifs au moindre mouvement et mes oreilles à l'écoute de la répétition potentielle du bruit. Bien souvent, le hasard me faisait découvrir des myriades de sauterelles, des mantes religieuses, des lézards, des araignées, des mulots, des reinettes, des phasmes, plus rarement des hérissons et souvent rien du tout. Ces bruits dans les fossés ont contribué à fabriquer chez moi une attitude de chercheur, un goût pour la curiosité, une attirance pour ces présences animales cachées. Bien des années plus tard, mon père me révéla sa ruse pour me faire avancer sur les chemins. Il avait dans ses poches des petits cailloux qu'il jetait discrètement dans le fossé. L'anecdote pourrait en rester là si je ne la mettais pas aujourd’hui en perspective avec la construction de ma pratique artistique, puis son déplacement même. Nous verrons comment l’animal émerge sur mes terrains de recherches dans les quartiers d’habitations populaires, à l’hôpital, puis dans les prisons et comment il a modifié ma propre pratique de chercheur. Peut-il potentiellement devenir un acteur politique d’un changement de paradigme sur nos acceptions de l’altérité ? En quoi permettrait-il de transformer les régimes de relations entre les acteurs dans les institutions et leurs organisations mêmes ?
Petite bibliographie sélective :
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15h30 | Sophie Djigo Philosophe et chercheuse à l’Institut convergences et migrations, professeure en classe préparatoire « Cohabiter à Calais : violences, soin et violence du soin »
La philosophie s’est assez peu emparée des questions migratoires, et lorsqu’elle le fait, c’est souvent d’un point de vue général, au prisme d’une analyse conceptuelle des notions de citoyenneté, d’Etat-nation, en problématisant la tension entre droits des migrants et exercice de la souveraineté aux frontières. Une approche de « philosophie de terrain » propose plutôt de partir de l’expérience de la migration, du point de vue des exilé·es et des différent·es acteur·rices impliqué·es notamment dans les espaces-frontières, subissant, manquant ou expérimentant de nouveaux modes de cohabitation. L’enquête de terrain permet d’explorer les pratiques de soin/care dans des contextes qui les rendent souvent impossibles. La gestion policière de la frontière franco-britannique à Calais met en œuvre des dispositifs dont l’un des effets est de mettre en concurrence les personnes en exil, entravant la construction de liens de solidarité. Plus loin, la politique migratoire mise en œuvre exclut toute possibilité d’habitat pour les migrant.es, condamné.es au mouvement sans répit. Comment peut se déployer la relation aux autres dans un espace où les migrant.es se voient dénier le statut de « cohabitant » ? Comment se tissent des liens d’entraide dans des lieux où la cohabitation est rendue impossible ? Jusqu’à quel point une approche en termes d’éthique du care est-elle pertinente dans ce contexte ?
Bibliographie
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Séance du 30 mai : Écouter, réverbérer, retentir. Questionner le lieu du son.
Les sound studies et l’écologie sonore ont mis à l’ordre du jour une réflexion sur l’écoute, et le changement de paradigme qu'elle représente, par rapport à celui de la voix (dans une opposition, qui a aussi des enjeux politiques, entre le phonocentrisme et l'otocentrisme) ; ainsi que la relation de l'écoute, et notamment de l'écoute musicale (mais pas seulement) à un espace architectural, et son altération (en un sens neutre) par les techniques de fixation du son (micros, haut-parleurs, etc.) ; et enfin la question du retentissement, de la résonance, de la relation à soi et à l'autre qui se joue dans ces termes.
Programme :
9h30 Alexandre Chèvremont (CEAC, U. Lille) – Du paradigme de la voix à celui de l’écoute – enjeux politiques, phénoménologiques et artistiques
10h15 Séverine Bridoux-Michel (architecte, LACTH, Ensapl) - Changement de paradigme, changement de penser : concevoir l'espace avec l'écoute. Réflexion sur des croisements de pensées
11h Catherine Grout (LACTH, Ensapl) - Apports d'Akio Suzuki pour l'ouïe et l'écoute : expérience et changement de paradigme
14h Makis Solomos (musicologue, Musidance, U. Paris 8) Écouter et résonner avec des lieux de mémoire par l’écologie et la création musicale et sonore
14h45 Manola Antonioli (philosophe, LAA, Ensa La Villette) - Retentissements de la musique dans Mille plateaux
15h30 Anne Boissière (philosophe, CEAC, U. Lille) – Chant de l’aube
Programme du 23 février
Programme du 23 février : La recherche impliquée : « en être » ou pas. Questionner la production des savoirs.
Nous constatons qu’un changement de paradigme est advenu en SHS autour de ce que nous pouvons appeler une recherche impliquée et des savoirs situés. Cela s’accompagne d’une considération du « je » dans le processus de recherche et dans les formes de restitution de la recherche (l’écriture, mais pas seulement). Nous souhaitons interroger à partir de vos pratiques et objets de recherche ce que ce changement de paradigme peut vouloir dire, peut permettre de traiter, de prendre en compte. Cela peut se déployer selon plusieurs axes principaux : l’observation participante, la participation observante, la question d’être affecté.e, l’horizon politique ou encore d’engager de nouvelles qualités de dialogue. Tout un ensemble qui travaille, et alors comment, l’axiome de la soi-disant neutralité scientifique.
9h45 Céline Barrère (LACTH) Être situé·e, se situer : produire de la connaissance et questionner la
neutralité axiologique
10h30 Véronique Goudinoux (CEAC) Projets d’artistes / Projets de musées : des collaborations
situées pour des recherches situées
11h15 Frédérique Villemur (LIFAM) « Vous en êtes ? ». Faire un pas de côté
14h Marie-Thérèse Grégoris et Pauline Bosredon (TVES) Faire de la recherche sur un terrain en
conflit, en lien avec la coopération décentralisée des villes : l’impossible neutralité ?
14h45 Quentin Bazin et Tanaïs Rolland (Chaire Valeurs du soin) Recherche impliquée et libéralisation de la
recherche
15h30 Lina Bendahmane (LACTH) Révéler les voix du milieu : expérience d’une observation
participante à l’hôpital
Programme du 29 mars : Éco-féminisme, écologie et subsistance. Questionner les éthiques de l’attention.
Programme :
Des questions se posent, se développent et s’animent depuis quelques années autour de la notion de subsistance et de ses réalités ainsi que des interdépendances devant un monde en crises. Cela fait lien à des perspectives écoféministes qui concernent la production, le quotidien, le politique tout en ouvrant un champ de réflexion sur des éthiques de l’attention. Faisant la critique de la séparation et de l’extractivisme (en lien avec l’anonymisation de la production), cet ancrage théorique et activiste correspond à un changement de paradigme en cours depuis la seconde moitié du XXe siècle. Nous souhaitons interroger à partir de vos pratiques et objets de recherche ce que ce changement de paradigme peut vouloir dire aujourd’hui, peut permettre de traiter, de prendre en compte et/ou de lier.
9h30 Corinne Luxembourg (Pléiade) Penser le care par sa dimension spatiale
10h15 Geneviève Pruvost (CEMS, EHESS) L'entre-subsistance : conter/compter/figurer ce qui compte. Le cas de
boulangers-paysans vivant en yourte
11h Marcelle Bruce (CECILLE) Décoloniser les sciences sociales et humaines : les apports de la pensée
latino-américaine et les ontologies relationnelles
14h Mathilde Chénin Le commun par l’usage. Fabriquer ensemble le lieu de vie et de travail
14h45 Flaminia Paddeu et Fabien Roussel (Pléiade), Audrey Bochaton et Kaduna Demailly (LADYSS) Gingko,
ail des ours et pissenlits. Les migrantes chinoises et la cueillette de plantes dans le Grand Paris : enquête sur des pratiques discrètes d'écologie populaire
Bâtiment C Salle C30