Programme associé « Sensible droit »

(responsables : Nathalie Delbard & Nathalie Goedert – Université de Corte)

Ce programme s’inscrit également au sein de la Chaire Art & Droit de l’EMRJ - Études Méditerranéennes de Recherches Juridiques de l’Université de Corte. Il s’agit pour les co-organisatrices d’envisager le droit à partir de dispositifs artistiques, sonores, visuels et filmiques, qui remettent au cœur de la science juridique les sensations, les émotions et l’imagination, qui sont autant de forces créatrices du droit. Les œuvres seraient en ce sens les dépositaires de cette mémoire sensible et non écrite du droit. 

Dans les années 1970, Jean Carbonnier publiait « Flexible droit » et ouvrait les fenêtres du droit à la sociologie. Il évoquait aussi, beaucoup plus prudemment, la psychologie du droit rappelant que « l’homme juridique », à savoir celui modelé par le droit, était un être de chair et de sang autant que d’esprit. Que dès lors, « les phénomènes juridiques » n’étaient pas seulement des « phénomènes collectifs », et que « les règles de droit issues de la société, les coutumes, les lois (avaient) nécessairement un reflet dans l’individu ». Le droit fait corps avec l’individu.

Pourtant l’évolution de la science juridique dans le monde occidental élevant la forme scripturale du droit au rang d’expression parfaite de sa rationalité a progressivement écarté les sensations, les émotions et l’imagination qui sont autant de forces créatrices du droit. Le corps de l’individu juridique semble oublié par le droit lui-même. C’est cette personne juridique dans sa globalité qu'il s'agit de retrouver, pour mieux comprendre comment le droit fait sens grâce aux sens. 

L'hypothèse consiste ainsi à admettre que le droit ne parle pas seulement à l’intellect, malgré sa forme savante voire hermétique, mais qu’il parle aussi aux sens, et avec les sens. 

Ce sont ces zones d’incertitude, non définies et hors catégories dessinées par la dimension sensible du droit qu'il convient d’explorer, par le travail commun des artistes et des juristes. Le choix peut paraître étonnant tant les domaines semblent antinomiques, tant on s’est attaché surtout à les opposer. Mais pourtant, le droit est une construction imaginaire, la projection d’une société qui s’idéalise. Le juriste comme l’artiste offrent des éléments de compréhension du monde, et les domaines peuvent se croiser.

Trois directions semblent aujourd’hui s’esquisser et seront amenées à être redéfinies si besoin :

  • Un droit qui parle au sens : comment le droit se dit sans mot, comment il se ressent, se voit, se perçoit et comment le sensible en retour interroge le droit, le saisit, voire le bouscule
  • Un droit qui intègre dans la conception, la formulation et l’application de la règle, la dimension sensible
  • Un droit qui protège, vise à préserver « les sens »
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Méthode : 

La transdisciplinarité offre plus qu’une collaboration entre disciplines différentes. Elle invite à revisiter les catégories devenues parfois si familières qu’elles ont cessé de nous interroger.

L’exploration étant innovante, il serait prématuré de fixer un thème, ou de travailler sur un « sens » particulier. Des rencontres ponctuelles, entre artiste(s) et juriste(s), autour d’une œuvre, d’un cas, d’une situation doivent nous permettre de vérifier l’hypothèse scientifique, puis dans un second temps de dégager les pistes qu’il faudra approfondir.