Contorsion, Histoire de la souplesse extrême en Occident, XIXe–XXIe siècles / Ariane Martinez

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éditeurs : N° spécial Revue d'histoire du théâtre, Centre national des arts du cirque
Contribution à une histoire du corps à l’époque contemporaine, cet ouvrage explore la contorsion à la fois comme art acrobatique et comme geste sensible. Les figures de la souplesse, leurs noms et à leurs connotations ont varié au fil du temps. Ces évolutions sont révélatrices d’une mutation du regard sur les pratiques physiques en Occident, la contorsion ayant été tour à tour dénigrée, exaltée et investie comme lieu d’expérience. Au XIXe siècle, les numéros des «disloqués» consistent en des pantomimes animalières, interprétées majoritairement par des hommes, perçus comme des quasi-phénomènes. Dans les années 1920, le terme de « contorsionniste » se diffuse: il suppose une gestualité plus active et plus athlétique que celle des «désarticulés». Les numéros de portés se multiplient, en duo, en trio, parfois en groupe. Au milieu du XXe siècle, la contorsion se féminise, se dénude et s’érotise, signe d’une mutation anthropologique plus vaste : le sexe faible se transforme en sexe souple. Avec la libération des mœurs, la souplesse suscite un intérêt esthétique, commercial et social. Les contorsionnistes se frayent une place sur les scènes institutionnelles, dans les publicités, les défilés de mode, les émissions télévisées et les réseaux sociaux. Le modèle de la performance à outrance est critiqué au profit d’un désir de durer et de faire évoluer son art en préservant son corps, mais aussi d’une diffusion de la «souplesse pour tous».  En jouant de leurs articulations, les contorsionnistes mettent en déroute nos usages sociaux et nos repères posturaux. Avec cet ouvrage, co-édité avec le Centre National des Arts du Cirque, la Société d’histoire du théâtre investit de nouveaux terrains de recherche et d’édition. L'étude de la souplesse extrême ouvre des portes insoupçonnées à ce que l’on peut dire du spectacle vivant et de ses/ces performances. Retracer son histoire, ses évolutions et ses continuités, des disloqué·e·s aux contorsionnistes, permet de lui restaurer son épaisseur et la force de son message esthétique, social et politique. L’ouvrage, largement illustré et conçu avec le studio de graphisme Solide, traduit matériellement ce projet.